Femmes de La French Tech / Women in French Tech : Euryale Chatelard, cofondatrice d’ExtraJool

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La Mission French Tech et son réseau des Capitales et Communautés French Tech se mobilisent pour mettre en lumière les femmes qui, partout en France et dans le monde, font la French Tech. Parce qu’on ne les voit pas encore assez, et qu’on a besoin de plus les voir pour que d’autres les rejoignent, nous donnons la parole à celles qui sont déjà des piliers de la French Tech. Rendez-vous toutes les deux semaines, voire plus régulièrement, pendant toute l’année 2025 pour la diffusion de ces portraits « Femmes de La French Tech / Women in French Tech » sur Linkedin, Instagram et également sur notre site. Nous donnons aujourd’hui la parole à Euryale Chatelard, cofondatrice et chief growth officer d’ExtraJool.

En France, la chaleur perdue dans les process industriels représente l’équivalent de la production de 12 centrales nucléaires. A l’heure où la transition écologique est un enjeu crucial, utiliser l’énergie de manière plus efficiente est un axe de transition stratégique pour l’industrie. « Aujourd’hui il n’existe pas de solution de récupération de chaleur sur le vecteur électricité, qui soient accessible et dimensionné pour les TPE-PME. Or l’enjeu économique de maitriser et réduire sa facture pour l’industrie est crucial », détaille ExtraJool. La jeune startup bordelaise développe un module qui permet de recycler la chaleur fatale et de produire de l’électricité, dimensionné pour les TPE/PME et accessible en termes de coût. L’entreprise a levé 1 M€ en janvier pour renforcer l’autonomie énergétique des usines en Europe. Euryale Chatelard en est cofondatrice et chief growth officer. Elle est également conseillère du Commerce Extérieur depuis 2015 (section Paris).

Quel a été ton déclic « French Tech » ?

« Avant même que La French Tech ne voie le jour, j’entreprenais déjà à l’international. En 2009, avec mon cofondateur actuel, nous avons lancé une startup en Chine et en Russie, d’abord avec un outil de SEO, puis en devenant une agence spécialisée en e-commerce. Après un rachat par Altima, j’ai continué l’aventure en développant la filiale russe et en lançant et présidant La French Tech Moscou, avant le rachat par Accenture.
En 2022, après 17 ans à bâtir des projets à l’étranger – et une éducation aussi marquée par l’international aux US et UK – retour en France, comme une nouvelle expat ! J’ai rejoint l’équipe fondatrice d’Antler Paris pour accompagner des fondateurs (nombreux cartonnent, et ça me rend hyper heureuse !)… avant que l’entrepreneuriat ne me rattrape. Un déjeuner avec Eric, mon associé d’il y a 15 ans, et tout s’est aligné : avec Sébastien, ils développaient une technologie industrielle impactant et révolutionnaire. J’avais besoin d’un projet ambitieux et à impact, ils avaient besoin d’un moteur pour la croissance, le financement et la visibilité. Ensemble, nous avons créé ExtraJool pour redonner de l’autonomie énergétique aux usines. Une aventure passionnante commence ! »

La chose dont tu es la plus fière ?

« Avoir construit des ponts entre l’innovation, le business et l’international, encore et toujours ! De ma première startup en Chine et en Russie, où nous avons accompagné des entreprises sur le web local, jusqu’à la création et la présidence de La French Tech Moscou, j’ai toujours eu à cœur d’ouvrir des portes aux entrepreneurs. L’un des moments forts a été de lancer, avec le soutien de l’Élysée dans le cadre du Dialogue de Trianon, le plus grand programme pour startups russes, en partenariat avec Total, le Château de Versailles, le musée Pouchkine et le ministère des Affaires étrangères russe. Une aventure passionnante… mais évidemment brutalement stoppée en 2022. Je discute souvent avec tous les entrepreneurs russes que j’ai accompagnés, et aujourd’hui, ils rebondissent aux quatre coins du monde, réinventant leur parcours avec une résilience impressionnante qui m’inspire !
Mais l’entrepreneuriat est un cycle ! Aujourd’hui, avec ExtraJool, je mets mon énergie au service d’une révolution industrielle et environnementale. Et au fil des années, ce dont je suis aussi fière, ce sont les liens incroyables tissés à l’échelle internationale dans l’innovation. Grâce à cela, notre technologie peut être installée partout : pour moi, c’est aussi naturel d’implanter notre module à Dunkerque qu’à Jakarta. Aucune différence. Mon réseau s’étend de Paris à Pékin, de Moscou à Londres, de Washington DC à Singapour, et relie entrepreneurs, investisseurs et grands groupes. La transition écologique ne connaît pas de frontières, et le business non plus. Nous avons la bonne innovation, le bon projet, le bon timing et l’équipe parfaite pour agir à grande échelle. Ensemble, partout… et encore et encore ! »

Ton objectif professionnel le plus fou ?

« À vrai dire, tous mes projets ont semblé fous sur le papier ! Une amie m’a dit un jour : “Avec toi, on ne s’ennuie jamais.” Et une relation pro m’a confié : “Il y a des gens, quand ils te parlent de leur projet, tu sais que ça va marcher.” Ces mots me donnent de l’énergie, car ils résument bien mon état d’esprit : je fonce, j’ouvre des portes, je construis. Je ne m’acharne pas pendant des semaines à faire des études de marché et des business plans ; quand les fondamentaux sont là, je fonce. Et puis il y a mon intuition, elle me guide et me nourrit : elle capte les signaux faibles, repère les opportunités avant qu’elles ne deviennent évidentes, et me pousse à avancer là. Elle est mon meilleur allié pour transformer les objectifs les plus fous en réalité.
Je n’écoute pas non plus ceux qui me donnent des excuses pour ne pas y arriver. Par exemple, on m’a dit : “En tant que femme, tu ne pourras jamais faire de business en Russie” ou “Tu ne pourras pas parler aux industriels” sous-entendu parce que je suis une femme citadine. Ces remarques, je les mets à la poubelle ! Je demande beaucoup de conseils, et j’adore ça mais auprès des gens qui me veulent du bien.
Aujourd’hui, ExtraJool est un projet fou, l’ambition est immense : générer de l’électricité propre et économique pour transformer l’industrie, partout. On veut redonner de l’autonomie énergétique aux usines et avoir un impact concret sur la transition écologique. Et bien sûr, « scaler » fort, très fort !
J’ai eu des échecs, comme tout le monde, mais pour moi, dans une boîte, « failure is not an option ». Quand on a la bonne techno, la bonne équipe et l’énergie qu’il faut, on avance, on rebondit, on réajuste et on re-avance. »

Si tu pouvais revenir en arrière, est-ce qu’il y a quelque chose que tu ferais différemment ?

« Je peux reprendre les deux exemples précédents, en fait, ils m’ont presque donné la force de ne pas m’arrêter, pour leur prouver le contraire. Si je pouvais revenir en arrière, je ne changerais rien à mes choix fondamentaux, car chaque expérience m’a façonnée. Cependant, je prendrais peut-être plus de temps pour m’affirmer davantage, surtout quand j’étais plus jeune. J’ai toujours pris de la place par mon caractère et mes projets, c’est simplement mon tempérament. Mais, étonnamment, je réalise que je ne m’impose pas assez. Pour faire un parallèle, j’ai grandi aux US et au UK, où la « gêne » n’est vraiment pas un concept. Mais le côté français, celui de ne pas trop en faire ni trop se montrer, prend parfois le dessus. Cette dualité culturelle m’a parfois freinée. Et puis aujourd’hui je suis fière de ce que je fais tous les matins en me réveillant. Un jour mon deuxième enfant m’a dit : “avec toi maman, la terre ira mieux” : quel bonheur ! »